L’imposture des pandas

Huan Huan et Yuan Zi (traduisez rondouillard et joyeuse) les 2 pandas du zoo de Beauval donnent naissance à un petit panda,(le jumeau étant décédé à la naissance).

La France s’émeut, s’émerveille en mangeant son sandwich au jambon ou en cautionnant le tir de loups protégés par la Convention de Berne. Il y a animal et animal. Ce n’est pas tant le fait qu’il soit en voie de disparition, nombre d’espèces menacées sont exhibées dans les zoos sans avoir cette exposition médiatique, ils sont tout au plus, un numéro dans une vaste collection zoologique. Non, le premier avantage des pandas, est qu’il touche le pathos : les bébés pandas sont mignons !

Bien sûr d’autres espèces que l’on consomme ou que l’on chasse sont tout aussi mignonnes (lapin, renardeau...), mais là on nous la vend avec tous la manipulation possible : - c’est une action de sauvegarde - c’est une action de la diplomatie française - c’est soutenu par notre président et son épouse - c’est mignon. Si, si c’est très mignon, donc qui critique cette belle opération est un insensible dénué de toute humanité. Un extrémiste ! Bref, la belle opération marketing, nous a emballé ces pandas en un beau produit de consommation, qui a permis au passage au zoo de doubler son chiffre d’affaire et ses entrées.
 

Ne confondons pas “biotope” et “décor”

Un superbe décor en ... béton. Oui, mais en béton sculpté par des artistiques (pagodes, statues de lions assis, et de belles peintures de végétation ! ). Les pandas apprécieront.
Tous les ingrédients du parc de loisir, de la machine à rêve exotique avec un saupoudrage de bonne conscience à la sauce préservation sont réunis. Tant d’argent, alors même que le problème est local, que la préservation a un sens si elle se fait in situ, c’est-à-dire dans le biotope de l’animal. Serais-ce faire affront à l’intelligence des visiteurs que de leur rappeler que les bords de la Loire ne sont pas les montagnes centrales de la Chine ? Que l’hygrométrie, les températures, la végétation... y sont différentes ? Que sauvegarder l’espèce dans son milieu, c’est lui permettre d’inter-agir avec celui-ci, avec les autres espèces voire les autres membres de son espèces qui y sont présentes ? C’est lui permettre de vivre à distance de cette humanité qui est à l’origine de ses maux ou/ et de cohabiter avec les populations locales.

L'espèce, classée en Annexe 1 de la CITES, disparaît du fait d'une déforestation, d'une fragmentation de son habitat qui rend la présence de bambou mangeable plus rare (les bambous meurent après chaque rare floraison) et du braconnage. Différents programmes visant à la création de réserves sont actuellement en cours en Chine. Ce sont ces programmes qu'il faut soutenir plutôt que cette coûteuse opération marketing qui sacrifie ces animaux à des intérêts tout autres que celui de leur “bien-être”. Il transforme ni plus ni moins l’animal en un produit de consommation, banalisant au passage cette idée selon laquelle l’animal est là pour nous servir, nous divertir.
 

Les zoos ne sont pas les arches de Noé qu’ils prétendent être.

Les zoos ont pillés la nature pendant des décennies. Claude Caillé fondateur du zoo de la Palmyre, raconte dans le livre "Mon zoo..., ma vie" (publié en 1991) ses captures de zèbres, de girafes et leurs séjours dans des centres de captures : "Avoir un zèbre sauvage dans une caisse, c'est tenir un diable dans une boîte" et pourtant déjà il vantait le rôle de conservatoire et de pédagogie de son zoo. Si les captures sont devenues beaucoup plus rares, elles ne sont pas inexistantes, notamment via des pays comme l’Indonésie ou le Zimbabwe. Pour quelques espèces, “bénéficiant” aujourd’hui d’un programme de conservation (rarement impliquant une réintroduction), ce sont des milliers d’autres espèces qui sont là, à se cumuler, comme des pièces d’une collection au parfum de colonialisme désuet, dont le seul avenir, est la mort en captivité.
 

Ne confondons pas “conservation” et “conserverie”.
 

Les zoos présentent l'animal comme une marchandise que le badaud peut venir "consommer". Cette location de pandas illustre très bien le statut de cet animal : il est louable et consommable comme tout autre marchandise.

Or comment peut-on d'une part transformer l'animal en bien consommable et d'autre part tenter de sauver ces derniers représentants ? C’est un contre-sens.

Un contre sens dont ces pandas ne sont que les tristes acteurs. Ils n'ont rien à gagner de cette exhibition, au mieux la naissance d'un petit par insémination artificielle ... qui terminera peut-être de manière tragique comme "Knut" la star polaire allemande ou dans un réel programme in-situ, mais à quel prix ? Car ne soyons pas naïf la France et la Chine n'ont que faire de la protection des animaux au vu de leurs politiques réciproques en la matière (nous vous passons la liste, elle serait trop longue...).

 

F.S.
Illustrations Snow Leopard : https://lespandasdebeauval.wordpress.com/...

Publié le: 
05/08/2017