Antibes : naissance d’un ours polaire dans un frigo nommé “Marineland”

L’ourson, nouveau « produit » star du parc de loisirs aquatiques, est né en novembre dernier. Une fierté pour le Marineland, qui en profite pour mettre en avant sa contribution à la préservation de l’espèce. « Préservation », vraiment ?
Un ours polaire en liberté.

Début février, le Marineland d’Antibes (Alpes-Maritimes) s’est félicité de la naissance d’un petit ours polaire, en novembre dernier : « La reproduction des ours polaires est un enjeu essentiel pour le parc et pour leur préservation. Ils sont les ambassadeurs d’une espèce très menacée par le réchauffement climatique mondial et la fonte de la banquise, qui impactent leur écosystème. » 

Raspoutine, le père de l’ourson, est né en Russie avant de rejoindre le zoo de Nuremberg (Allemagne) en 2008. Flocke, la mère, est née en décembre 2007 au zoo de Nuremberg et a rapidement été séparée de sa mère, Vera, qui menaçait de la tuer. Deux autres oursons sont morts quelques semaines après leur naissance. Ce comportement anormal d’une mère vis-à-vis de sa progéniture est le résultat d’un état de stress lié à la captivité : ne pouvant protéger leurs petits, les animaux préfèrent leur donner la mort. La petite Flocke, alors qu’elle n’avait que 1,7 kg, a été élevée au biberon artificiel sous lampe infrarouge avant d’être transférée en 2010 sous le soleil d’Antibes, au Marineland, vaste complexe de loisirs aquatiques.

Ennui, stress et touristes

Ce nouveau venu sera incapable de chasser ou de survivre dans son milieu d’origine. Aussi, aucune réintroduction ne peut être envisagée. Les ours captifs passent toute leur vie dans un décor climatisé, sans phoques, sans banquise, sans climat arctique, sous le regard scrutateur de milliers de personnes. Pour atténuer l’ennui et le stress nés de ces conditions de vie, les soigneurs tentent d’enrichir le milieu des ours, par exemple en cachant de la nourriture. Un pis-aller, un pansement sur une détention sans fondement.

La préservation dont s’enorgueillit le Marineland d’Antibes n’est que de la préservation « réfrigérée », sous le soleil méditerranéen, d’ours polaires transformés en produits marketing pour touristes.

Ambassadeur d’un non-sens

Pour justifier l’enfermement des espèces menacées, les zoos affublent leurs pensionnaires du titre d’« ambassadeur », représentants désignés de leur espèce sur le terrain… Ce titre prestigieux, qui ouvre dans nos sociétés humaines à quelques privilèges, n’est pour les animaux qu’un slogan vide de sens : « Sois ambassadeur et tais-toi. »

Faut-il rappeler que la première cause de la disparition des ours polaires est le réchauffement climatique ? Que, si le Marineland d’Antibes souhaitait vraiment agir pour leur sauvegarde, des actions en faveur du climat auraient, elles, un sens ? Or, pour la détention de ses ours, le parc utilise « un système de climatisation mis en place dans leur espace de nuit et deux grottes réfrigérées (de 50m² au total) avec lit de 7 tonnes de glace ». Faut-il, là encore, rappeler que la climatisation utilise un gaz émetteur de dioxyde de carbone, responsable du réchauffement climatique ?

Détenir des ours polaires dans le sud de la France dans un environnement réfrigéré est une aberration écologique, en contradiction totale avec les enjeux de sauvegarde d’un écosystème propice à la survie des ursidés. Quand le marketing de « conserverie » s’acoquine à l’illusion de « conservation », les ours n’ont rien à y gagner, et la planète non plus.

Une vie au service du marketing

Alain et Isabelle Boyaval, photographes, reporters qui consacrent leur vie à l’étude et à la protection des ours, l’ont déclaré à Code animal : « L’ours polaire, animal emblématique de l’Arctique, condamné à disparaître à cause de l’homme, n’a pas sa place dans ce temple de la consommation qu’est un Marineland. »

L’ourson né à Antibes, nouveau produit de consommation de ce parc de loisirs aquatiques, va devenir, au printemps, le centre d’intérêt de dizaines de milliers d’internautes, qui vont lui donner un nom, participer à son merchandising, comme l’ourson Knut en son temps, faute de pouvoir lui donner une vie digne de ce nom.

Franck Schrafstetter

Crédit photo : Alain et Isabelle Boyaval.
Publié le: 
20/02/2015