13Toutefois nous venons d’observer que l’art doit composer le réel pour nous en donner la présence. Aussi comprend-on que l’on puisse tantôt être très sévère pour elle et affirmer qu’elle est toujours servile et tarit le génie créateur, et tantôt la considérer avec assez de faveur pour prétendre que c’est quand elle montre le plus de probité et de fidélité que l’art atteint lui-même la perfection la plus haute. Les mots de juste, de pur ou de parfait n’ont de sens que pour évoquer une rencontre du réel que nous n’avions encore qu’approché et qui ne donne à l’esprit tant de sécurité et de certitude que parce qu’il perçoit enfin dans ce qui est la raison même de ce qui le fait être. Vouloir représenter le réel, c’est supposer que le réel n’est justement pas présent, sans quoi nul re-présentation n’aurait de sens. A partir du moment où on pense la réalité de cette façon, on est obligé de trouver une porte de sortie pour évacuer le malaise et la difficulté à exister dans cette réalité. Cependant l’appréhension du réel n’est pas aussi simple ni aussi immédiate qu’on pourrait le penser ; et si nous comparons la manière dont il s’offre d’emblée au regard avec la représentation que l’art nous en donne, nous verrons que la vocation de l’art est précisément de nous en apporter la révélation. 9Aussi, personne n’a vu plus profondément l’essence même de l’art que Pascal dans le mot si célèbre et pourtant si cruel : 10On comprend donc bien pourquoi l’art a toujours paru une sorte de prestige et même de miracle. 12Dès lors, tout le mystère pour nous est de savoir pourquoi nous ne pouvons prendre possession des choses qu’à travers cette apparence que nous créons et qui semble pourtant nous en éloigner. L'art occidental a été, de la Renaissance jusqu'au milieu du 19e siècle, sous-tendu par la logique de la perspective et une tentative de reproduire l'illusion de la réalité visible. 8Peut-être n’y a-t-il point d’imitation, comme on le voit dans ses manifestations les plus spontanées et les plus irréfléchies, qui ne possède déjà un caractère esthétique. Et nous savons à quel point l’activité de l’esprit est vacillante et prompte à fléchir ; elle se repose sur l’objet, dès qu’elle croit l’avoir rencontré et cesse d’y appliquer son effort. Et même on peut dire qu’il n’y a pas d’autre présence que la présence de l’esprit. Ce que l’on comprendra facilement si l’on réfléchit que la peinture la plus imparfaite et le plus mauvais dessin réussissent encore à évoquer les délinéaments du réel, et qu’il peut toujours y avoir en eux quelque faux-semblant, au lieu qu’un édifice architectural ou musical qui ne tiendrait pas le compte le plus exact des lois de la pesanteur ou de celles de l’oreille s’écroulerait sans pouvoir être sauvé : il peut montrer leur souplesse, ruser avec elles, témoigner que leur action s’exerce encore là où il semble les défier, mais ce sont elles qui assurent la solidité de l’édifice, qui lui donnent du même coup son caractère réel et son caractère esthétique. Le caractère original de l’art, ce serait alors de nous obliger à réinventer le monde, de nous associer à ce mouvement qui ne cesse de le produire et de l’animer et qu’il est libre encore de prolonger et d’infléchir d’une infinité de manières. C’est en composant le réel que l’art l’appréhende ; mais par là il se rend le réel présent en devenant lui-même présent au cœur du réel, de telle sorte que l’on ne sait plus dire s’il se l’est incorporé ou s’il est incorporé à lui. De nos jours, le terme a une acception plus restreinte et désigne surtout les arts plastiques (architecture, gravure, peinture, sculpture). Au-delà même de nos aspirations esthétiques l’art nous montre comment, si l’esprit s’identifie toujours avec une question que nous posons sur le réel, cette question peut être satisfaite par une réponse qui nous en donne la possession. - Choisir - Mais c’est la conscience de l’artiste, elle, qui est un problème vivant : elle mesure la distance qui sépare ce qui lui est donné de ce qu’elle désire ; elle ignore ce qu’elle désire, puisqu’elle cherche précisément à se le représenter et, chose admirable, il suffit qu’elle le représente pour l’obtenir. 1Dans les réussites de l’art il y a quelque chose qui surpasse à la fois la volonté de l’artiste, si attentive et si lucide qu’elle soit, et la sensibilité du spectateur, quelles que soient sa délicatesse et ses exigences. Il faut dire que la main oblige l’esprit à exercer toutes ses puissances : elle réveille son attention et l’invite sans cesse à se tendre : ce projet qu’a le peintre de capter le réel sur sa toile comme un spectacle pur ravive son regard, lui donne plus d’acuité et de délicatesse et le contraint à dégager du réel le spectacle même dont l’esprit ne peut prendre possession que dans une sorte de circulation ininterrompue entre l’œil et la main, où chacun d’eux renvoie vers l’autre et l’incite à se dépasser. Pornographie enfantine (raison de l'abus) : Corrigé de 2098 mots (soit 3 pages) directement accessible, Le corrigé du sujet " L'art a-t-il pour fonction de représenter le réel ?" Mais le spectacle du monde perd alors sa familiarité anonyme pour acquérir une familiarité intime et personnelle, comme les choses qui n’étaient pour nous qu’un objet d’usage dont nous nous sommes longtemps servi sans les avoir remarquées et qui, quand nous les retrouvons après les avoir perdues de vue, acquièrent tout à coup un relief vivant et incomparable.La mobilité des différents aspects du réel nous empêchait aussi de leur appliquer une attention assez sérieuse : habitués à les voir apparaître et disparaître, nous ne posions sur elles qu’une pensée d’un moment qui s’était déjà retirée d’elles avant qu’elles fussent évanouies. C’est comme une sollicitation adressée sans cesse au réel qui tout à coup le lui livre. SAISON, Maryvonne, les théâtres du réel. En eux, tout dépend du propos et de l’artifice, et la sensibilité se fait juge de l’activité qui a produit tel ouvrage sans s’interroger sur sa puissance évocatrice par rapport à une réalité qui n’a point de ressemblance avec lui. Mais ces expériences restaient fi… Mais, justement, et tout le problème est là, l’art n’échappe-t-il pas à toute définition, dès lors qu’il est le résultat d’un libre arbitre ? Bien plus, il produit dans la conscience du spectateur une multiplicité infinie de suggestions différentes qui peuvent toujours aller au-delà de ce que l’artiste a lui-même senti, pensé et voulu. Ce texte est celui d’une conférence faite en Roumanie et dont la traduction roumaine a été publiée en 1938. Car c’est seulement quand nous avons découvert les lignes de structure du réel que nous sommes capable de le reconstruire : faute de quoi notre construction elle-même s’écroulerait. Ici, on discerne mieux que partout ailleurs le rôle d’une activité intellectuelle et volontaire qui en composant entre eux de purs rapports, donne l’être à des édifices de pierres ou de sons qui n’ont trouvé hors de notre esprit aucune espèce de modèle. Les règles auxquelles il s’assujettit pour la produire n’ont point, comme on le croit, de signification esthétique par elles-mêmes, mais seulement parce qu’elles assurent la possibilité de cette imitation « par transposition » qui substitue à l’image de la réalité la réalité d’une image, et convertit un objet qui avait des rapports avec notre corps en un autre objet qui n’en a plus qu’avec notre esprit. Et c’est seulement lorsqu’il acquiert un caractère esthétique qu’il nous découvre la présence même de ces proportions qui sont comme le réseau dans lequel la réalité demande à être saisie. C’est pour la mieux comprendre que nous remontons jusqu’au problème qu’elle suppose : sans oublier que la solution pour nous devance ici le problème. L’originalité de l’art, c’est précisément de créer ce spectacle inutile qui oblige l’esprit à se purifier de toute pensée égoïste pour appliquer aux choses une pensée qui ne voit qu’elles et qui aussitôt les fait surgir devant nous. L’art : le sujet nous invite à discuter la question de l’art comme activité de l’homme productrice d’objets qui impliquent une certaine, Le réel : cela peut renvoyer à la nature (la question est donc celle de la relation art / nature) mais aussi à ce qui existe en vérité (la réalité du, Représenter : représenter, c’est doubler, tenir la place de quelque chose, tenir lieu de la chose (cf. Ainsi, l’œuvre d’art est toujours une solution : c’est cette solution que nous cherchons en elle. texte de la République sur les trois lits) dans une idée. L'art n'a-t-il pour fonction que de nous libérer de nos passions ? 6Cependant, cette présence des choses, l’émotion esthétique ne suffit-elle pas à nous la donner sans le secours de l’art ? L’art, c’est le monde reconnu ; c’est le même monde que celui où nous avons toujours vécu, mais qui cesse de nous être étranger, qui répond à toutes les puissances de notre âme et coïncide avec leur exercice. Il traverse toute l’épaisseur des représentations acquises. Au sens vulgaire, l'apparence s'oppose au réel car elle n'est qu'un aspect trompeur de la réalité. Maître de Tahull, la fresque catalane Maestas Domini à Barcelone, au XIIe siècle : le traitement de l’espace céleste est typiquement médiéval (par superposition de plans, sans effet de profondeur). Elle le perd presque aussitôt qu’elle l’a trouvé. Nous voulons pouvoir la retrouver nous-même quand nous l’avons perdue, nous voulons la suggérer à ceux qui ne l’ont pas et leur communiquer un bien dont nous les croyons appelés à jouir avec nous. On le voit dans 1’effort par lequel l’artiste, préoccupé d’oublier tout son passé, tout son savoir, cherche seulement à scruter le réel afin de le tenir à la disposition tout à la fois de l’œil et de la main : les ressources de la technique la plus habile n’ont point d’autre fin que d’obtenir cette double coïncidence et de disparaître au moment où elle se réalise. C’est cette transmutation, cette transfiguration qui en donnant aux choses une sorte de présence absolue, les revêt aussitôt d’un caractère esthétique. Apparence qui silule la réalité, qui se fait passer pour vraie. Elle fait partie de ce monde temporel où nous avons toujours quelque intérêt plus ou moins pressant, ou nous ne cessons d’attendre, de désirer, de craindre, de risquer, de nous défendre, et qui ne devient jamais tout à fait un spectacle pour nous. Aussi, ce serait une entreprise stérile que de chercher à définir d’abord certaines puissances de l’esprit et de montrer ensuite comment nous parvenons, en les mettant en œuvre, à obtenir les satisfactions que nous en attendons. C. De l’habiter à l’engagement local Mais est-ce là l’unique signification de la création artistique ? Et je crains qu’il n’y ait jamais en moi assez de désir pour actualiser et posséder tout ce désirable. Ainsi un artiste ne représente pas la réalité mais l’apparence. Non pas que dans cette contemplation la volonté soit absente, puisqu’au contraire nous avons affaire alors à cette volonté dépouillée qui veut, comme nous l’avons dit, que les choses soient précisément ce qu’elles sont, et non pas à cette volonté de convoitise qui pense toujours au profit qu’elle en pourra tirer. Visite-Conférence (15/10/09) : La représentation du réel dans la peinture italienne (XIII-XIVe) Première œuvre : Mosaïque romaine représentant le jugement de Pâris (115-150 ap. Il devance en nous le désir : ce désir, il va l’éveiller au fond de nous-même, il le découvre et il le suscite. Ce que l’on comprend aisément si l’on songe d’une part que l’art n’a d’existence que pour l’esprit et dans l’esprit, puisque l’objet qui produit en nous l’émotion esthétique la plus vive peut être décrit par un indifférent comme l’objet le plus commun sans que rien lui soit retranché et, d’autre part que, cet objet, dès que l’art s’en retire, se change aussitôt en un obstacle ou en un moyen, c’est-à-dire perd sa réalité propre et ne peut plus être appréhendé comme un simple spectacle. Le miroir dans l'art relate, depuis son origine avec l'invention du verre il y a plus de 3 000 ans, l'importance du miroir comme thème dans le domaine des arts visuels.. Lié à la question de la représentation, le miroir entretient un rapport de longue date avec la peinture: quelles influences a-t-il pu avoir sur la peinture et sur l'idéologie de ces cinq derniers siècles ? par exemple le sens politique de la représentation). 7De là le rôle mystérieux joué par l’imitation qui a été si discutée, autour de laquelle on voit sans cesse renaître le conflit de l’idéalisme et du réalisme, dont on ne peut pas dire qu’elle épuise tout le secret de la création artistique, mais qui nous permet cependant d’en comprendre l’essence. L'art figuratif est un style artistique — en particulier dans la peinture, la photographie, la sculpture, la céramique, les arts textiles — qui se manifeste par la représentation du visible. It is filled with translated abstracts and articles from key French-language journals. Dès que ces indices ont été reconnus, nous cessons en quelque sorte de le voir. 2) L'art comme véhicule périmé de la vérité. Et comme le propre d’une esquisse, c’est de nous laisser assez de liberté pour que nous puissions l’achever d’une infinité de manières, le propre du chef-d’œuvre, c’est de s’offrir à la même liberté dans la perfection d’un achèvement qui est bien loin de la borner puisqu’au contraire elle ne parviendra jamais à l’égaler. Qu’est ce que le réalisme ? Vous n’êtes actuellement pas connecté(e) en institution. L’art est un grand fait humain. L’artiste utilise des procédés, invente des techniques par lesquelles il tente de capter l’émotion dans une forme matérielle, de manière à en disposer et à la faire surgir à son gré. Originaire de l’Abitibi-Témiscamingue, Daniel Corbeil vit et travaille à Montréal. Seulement, cette révélation est elle-même rare et évanouissante ; quand elle nous manque, nous cherchons à la susciter et à la produire ; nous cherchons à la maintenir quand elle commence à nous fuir. Vont se dégager alors différentes postures de l'art occidental, art foncièrement réaliste c'est-à-dire se pensant depuis les Grecs comme un moyen de connaissance du réel. Elle seule est capable de nous révéler le désir qui était en nous en l’apaisant. Les beaux-arts comprennent l'architecture, la sculpture, la peinture, la danse, la musique et la poésie. Tous droits réservés. Autre Il nous oblige à retrouver avec les choses un contact absolu. de l’art égyptien ou du langage : les mots représentent les choses mais ne les imitent pas). Engagé depuis plusieurs années dans la réalisation d’engins volants, de maquettes ou de photographies liées à l’univers du vol et du paysage, l’artiste poursuit une recherche sur le simulacre technique comme mode fictif de représentation du réel. Car les arts d’imitation mettent en jeu eux aussi une activité réglée par laquelle ils cherchent à atteindre la sensibilité et à l’émouvoir. Or on ne peut douter que ce ne soit là en effet la fin propre de l’art : il est cette exceptionnelle réussite qui nous permet au prix de beaucoup d’efforts, de réconcilier ce que nous voulons avec ce que nous éprouvons. Tous droits réservés pour tous pays. De là les interprétations différentes que l’on a pu donner de l’activité artistique elle-même, soit qu’on la considère comme étant l’activité propre de l’homme qui introduit la beauté dans le monde au moment où il le fait pénétrer dans une forme qu’il a conçue soit qu’on la considère comme une activité qui dépasse la nôtre et qui, issue des ténèbres de l’inconscient, nous oblige à retrouver dans le réel l’appel d’une vie profonde presque toujours masquée par l’expérience quotidienne, soit que l’on imagine une parenté entre l’activité par laquelle les choses se font et l’activité par laquelle nous les percevons, de telle sorte que, pour en prendre possession, nous soyons amenés à en retrouver les différentes formes, à les figurer et à les multiplier. C’est réaliser l’œuvre d’art. Le monde sensible est le monde tel que nous le percevons à travers nos sens, par opposition au monde intelligible, qui est saisi par l'intelligence. Incitation é la haine raciale On a donc un présupposé du sujet : l’art … L’art, par l’immobilité qu’il leur donne, ou par la possibilité qu’il nous donne de recommencer toujours un mouvement aboli, nous introduit dans cette présence constante, indépendante à la fois du temps et du besoin, qui est toujours de niveau avec un esprit présent à lui-même et qui est prête à répondre sans cesse à ses moindres sollicitations. L'art nous aide-t-il dans le chemin vers la connaissance ? Poser la question de la fonction de quelque chose, c’est poser la question du but ou du rôle que cette chose doit jouer. Mais les beaux-arts paraissent n’avoir pour d’autre fin qu’eux-mêmes dans la mesure où ils renvoient au plaisir (de la beauté et de la création artistique) et pas à quelque chose d’utile. L’art ouvre la voie à la science, car sa représentation du réel traduit une pensée du réel. Nous saisissons ici l’activité de l’esprit dans son pur exercice dans son pouvoir proprement inventif, dans la faculté qu’elle a d’introduire dans le monde des créations absolument nouvelles. L’enjeu est donc celui du rapport de l’art et du réel dans la question du rôle de la vérité dans l’art et de la nécessaire distinction de l’art et des beaux-arts, ces derniers se présentant comme fruit d’une liberté. 14Mais pour cela il serait bon d’étudier les arts qui ne sont point à proprement parler des arts d’imitation comme ceux auxquels nous paraissons avoir attaché jusqu’ici une sorte de privilège et de considérer par exemple l’architecture, la poésie et la musique, c’est-à-dire des arts dans lesquels il ne s’agit pas de nous livrer la présence d’une réalité préexistante, mais de créer une réalité nouvelle par une action qui la devance et qui doit, semble-t-il, expliquer tous ses caractères, en particulier le plaisir esthétique qu’elle nous donne. Imiter la nature humaine L’Homme est naturellement égocentrique, fasciné par son reflet (Narcisse) - Réalisme psychol… On peut bien dire du peintre que ce qu’il est capable de voir est la mesure de ce qu’il est capable de peindre. L’affiche est une représentation graphique de la création du monde. Mais peut-on dire que dans ce spectacle le réel se montre à nous véritablement ? Licence 3 Mention Arts plastiques Parcours Esthétique et Sciences de l’art SEMESTRE 1 Enseignements génériques : Théorie esthétique (CM) Étude de l’avènement au XVIIIe siècle de l’esthétique comme philosophie du goût et de la sensation (Baumgarten, Hume, Locke, Berkeley, Du … Procédés de travail ou de production qui supposent un savoir-faire. Atteinte aux droits d'auteur L’œuvre d’art que nous avons sous les yeux accumule en elle toutes les actions qu’il a fallu accomplir pour la créer et le propre de la contemplation c’est seulement, en nous les donnant toutes à la fois, de nous permettre de les retrouver et de les accomplir encore par l’imagination. La surdité n’étant pas considérée de ce point de vue, comme un handicap, mais plutôt comme … Ce qui nous conduit à nous demander si l’art n’aurait pas son origine dans le pouvoir créateur de l’esprit plutôt que dans son pouvoir contemplatif. Le circonscrire, c’est faire émerger la forme qui, aussitôt, lui donne un contenu. Si l’art a strictement une fonction mimétique il devient un jeu présomptueux incapable de rivaliser avec le réel. L’art réside dans cette transposition elle-même. Ce qui permettrait de considérer ces arts comme plus purs en quelque sorte que tous les autres, puisqu’au lieu de prendre la nature pour soutien, ils ne connaîtraient point d’autre nature que celle dont ils seraient eux-mêmes les ouvriers.Dès lors on pourrait se demander s’il est encore possible de les regarder comme une révélation du réel. Vouloir représenter le réel, c’est supposer que le réel n’est justement pas présent, sans quoi nul re-présentation n’aurait de sens. Ce n’est là pourtant qu’une apparence. L'art du portrait est un compromis constant entre l'auto-représentation et l'auto-invention. C’est pour cela qu’il est toujours nouveau, non pas de cette nouveauté instable et, inquiète qui ne nous donne qu’un ébranlement de surface, mais de cette nouveauté si claire et si profonde que revêt à chaque fois notre propre maison quand nous en avons vécu longtemps séparé et que le moindre objet qu’elle contient acquiert pour nous plus de profondeur et plus d’éclat que tous les trésors de la fable. Et même il n’y a point de vue qui semble pénétrer plus avant dans l’essence même de l’art que celle qui essaie de l’atteindre dans l’acte même qui le fait être : bien plus, il y a une relation fort étroite entre le caractère par lequel nous avons essayé de définir l’art et qui est de donner aux choses une présence toute neuve et celui qui nous permet de les considérer dans cette démarche créatrice qui les rend sans cesse naissantes. Mais il se produit alors un phénomène admirable, c’est que la main ne se contente pas de prolonger l’action de l’esprit, d’immobiliser la vision du réel qu’il nous a donnée de manière à nous en assurer une possession stable et qui nous permet d’en disposer. l'Etat a-t-il pour fonction d'assurer le bonheur des individus ? Il introduit dans le temps lui-même la dimension de l’éternité ; c’est elle qui donne à chaque objet, dès que l’art l’a touché, une inaltérable nouveauté. Non point que cette activité puisse être négligée ; seulement elle ne vaut pas par elle-même mais par le rôle qu’elle est destinée à remplir. Quelle vanité que la peinture qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux ! Nous n’envisageons jamais le réel que dans son rapport, non pas seulement avec nous, mais avec notre utilité. Les œuvres d’art sont le résultat de cette production. 150000 corrigés de dissertation en philosophie. Parce que l'artiste met irrémédiablement un peu de soi dans chaque oeuvre qu'il produit, l'art n'est pas une copie de la réalité mais plutôt une représentation du réel. Car il sent bien que le propre de l’art n’est pas seulement de traduire une perception qu’il a déjà, mais encore de la rendre possible et pour ainsi dire de la produire. Car ce rôle, c’est de rendre possible une transposition du réel du domaine de l’utilité dans un domaine différent où l’esprit se donne des règles afin d’en faire un objet de contemplation pure. Mais là où est le réel, et là où est notre esprit, c’est là aussi qu’est notre vie véritable. L’art suscite donc en nous une attention si pleine et si docile qu’il nous montre comme véritablement présente une réalité qui était toujours devant nous, mais que nous n’avions jamais vue : il oblige la conscience à s’en emparer, à en réaliser une perception actuelle qui fait saillie sur toutes nos perceptions habituelles toujours un peu amorties ou effacées, soit par le souvenir de celles que nous avons déjà eues et qui les recouvrent, soit par les signes de quelque événement plus lointain que nous recherchons en elles et qui nous en détournent. LA VÉRITÉ DANS L*ART 205. en soutenant que tout à peu près est matière à représentation artistique ; — ou le pouvoir embellisseur et purifiant de l'art, qu'elle affecte de faire valoir par la représentation de ce qui est plutôt laid dans la réalité ; — ou la nécessité pour l'art de se rapprocher du réel dans l'imitation, par une précision voulue de détails vécus. Or, rien ne peut être présent pour nous que dans l’acte même par lequel nous réalisons cette présence. N’est-ce point de nouveau ramener l’essence de l’art à une démarche inventive et créatrice et subordonner en lui la contemplation à l’action ? C’est qu’elle vide l’objet de sa signification pratique et ne laisse plus subsister que sa forme. Mais quelle que soit l’acuité avec laquelle une méthode nous permet d’entrer en contact avec le réel et de le saisir, il y a ici un intervalle infini entre la règle appliquée et l’effet obtenu : c’est dans cet intervalle même que l’art vient à éclosion. 48Durant plusieurs années, comme enseignant à l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles, l’IRSA, je me suis posé la question du sens de la démarche qui consistait à faire de l’art en creusant l’énigme de la surdité. Revue des sciences philosophiques et théologiques. En lui-même le réel n’a encore pour nous ni valeur ni signification. Au contraire, dès qu’elle s’est détachée des mains de l’artiste, son œuvre devient pour lui une réalité à la fois familière et inconnue : ou bien il n’en supporte plus la vue, ou bien il la considère d’un regard aussi jeune que le spectateur qui la découvre. à lui-même. L’important en effet, c’est que cette création soit celle d’un spectacle qui puisse être contemplé. Mais peut-être pourrait-on montrer que composer le réel, c’est beaucoup moins être capable de le produire qu’être capable de le percevoir. La théorie des idées platonicienne, surmontant la désillusion causée par Anaxagore, nous signifie clairement la première que la pensée ne peut penser que de l'intelligible. Mais l’inverse est vrai plus qu’on ne le croit, ce qui justifie en partie tous ceux qui veulent réduire l’art à la technique. Il donne à voir l’invisible, il réalise dans le sensible, illusoire réalité, l’intelligible, véritable réel. Dans ces conditions, l'objet d'art qui se présente avant tout comme un objet sensible se situe bien hors du ch… Cette fonction de correction du réel s’oppose alors à l’idée que l’art devrait représenter le réel, si l’on remarque que ce qui représente doit avoir une conformité avec ce qui est représenté, et de ce fait ne pas usurper ce dont il provient.
l'art comme représentation du réel 2021