Vols à Beauval : #rendezlessinges, mais à qui ?

Aussi tragique soit-il, l’enlèvement de 17 singes à Beauval ne doit pas faire oublier que le zoo lui-même a fait d’eux des produits de consommation. Se posant en « sauveur » d’animaux menacés, il utilise un discours qui masque une réalité plus complexe.

Dix-sept singes ont été volés au zoo de Beauval, 7 tamarins lions et 10 ouistitis argentés, ainsi que deux tortues. L’émotion est grande sur le web et le zoo de Beauval se pose en victime. La twittosphère a bien entendu pris le parti des petits primates, mais aussi du zoo, et le hashtag #rendezlessinges a envahi le réseau social. Le journal L’Express, qui a interviewé Delphine Delord, responsable du zoo, suite au vol, titre ainsi son article: « Singes volés au zoo de Beauval : "Ils n’ont rien à faire en dehors d’un parc zoologique". »

Des propos qui sonnent creux

Une fois les singes sauvés des mains de malfaiteurs aux intentions sans aucun doute peu louables, ils auraient donc vocation à réintégrer un parc zoologique et seulement un parc zoologique ? L’établissement de Delphine Delord ne pousse t-il pas le bouchon un peu loin en affirmant que ces singes n’ont rien à faire « en dehors » de leur enclos ? Les zoos sont-ils devenus le biotope de ces singes ? Non, bien sûr, leur place est dans la forêt tropicale.

Code animal constate que les zoos exploitent ainsi chaque événement, aussi tragique soit-il, pour se construire une image de « sauveurs ». Mais, à l’instar des décors artificiels de parc de loisirs que les zoos savent mettre en avant, cette communication ne repose que sur des propos qui sonnent creux. C’est une illusion.

Une caution justifiant l’exploitation

Si Code animal condamne bien évidemment ce vol et ne peut que s’inquiéter du devenir des singes, l’association tient à rappeler que le zoo n’est en rien une victime dans cette affaire. D’abord parce qu’il participe à l’exploitation des animaux à travers le monde et sont donc indirectement responsables de la disparition d’espèces.

Ensuite parce que les quelques programmes de conservation (auxquels le zoo de Beauval participe effectivement) ne sont qu’une caution pour justifier l’exploitation, la détention et la commercialisation de milliers d’individus exposés le long des allées de ce parc de loisirs. Six mille animaux sur une trentaine d’hectares ! Un non-sens lorsque l’on connaît les besoins territoriaux des différentes espèces. Un tamarin lion devrait par exemple bénéficier de deux fois cette superficie pour que ses besoins comportementaux soient satisfaits.

Des individus privés de liberté

Alors oui, Delphine Delord, ces singes ont tout à faire en dehors des zoos. Si réintroduction, il doit y avoir, elle doit se faire in situ, c’est-à-dire dans l’habitat même de l’animal. Les quelques mètres carrés des bords de Loire ne sont pas les dizaines d’hectares de la forêt tropicale. D’ailleurs, si le vol a été possible, c’est parce que, comme dans tous les zoos de France, à Beauval, les animaux sont enfermés la nuit (et ça, le public ne le voit pas). « Il a suffi de déboulonner du sol quatre niches servant de refuge aux animaux et dans lesquelles ils passent la nuit », a précisé le procureur de la République de Blois, Dominique Puechmaille, sur France 24. « Ces quatre cages, d’environ 50 centimètres sur 50 ont pu ensuite être aisément emportées. »

Oui, Delphine Delord, nous pouvons affirmer qu’en présentant votre collection d’espèces, aussi belle soit-elle, vous participez à une transformation de l’animal en un produit de consommation, vous le « chosifiez ». Le message que vous envoyez à vos milliers de visiteurs est que l’animal est un produit commercial et non un individu, souffrant d’être privé de liberté, ayant des besoins spécifiques. Si vous tenez vraiment à ce que le monde animal soit respecté, alors vous devez commencer par le traiter avec considération, en le préservant et en le laissant vivre dans son milieu. Et non en le monnayant.

Franck Schrafstetter

Crédit photo : Latsuna.
Publié le: 
14/05/2015