A la mémoire de Java

Java l’éléphante, détenue par le zoo de la tête d’or à Lyon, est morte à l’âge présumé de 65 ans. Cela ne perturbera pas les vacances des Français, en tout cas, pas de ceux qui considèrent que les zoos sont des endroits paradisiaques pour les animaux. Comme d’habitude, la presse privilégie le sensationnel et relate que Java était la plus vieille éléphante d’Europe, titre de gloire pour le zoo. Hélas pour celui-ci, on se demande déjà si Java est morte de la tuberculose.

Mais Java vaut mieux que ces quelques lignes dans la rubrique faits-divers, il est temps de lui écrire un hommage digne de ce nom et de rappeler son douloureux parcours.

De la liberté à l’enfer

Java était une éléphante d’Asie (Elephas maximus, espèce en voie d’extinction). Elle est née en liberté vers 1945 (1), difficile de savoir où exactement, car les éléphants n’étaient pas recensés à l’époque. Son nom donne, peut-être, l’indication de son lieu de naissance en Indonésie. Java fut capturée dans la nature par les humains de son pays. Son asservissement a suivi un processus bien connu, toujours le même. Il consiste à capturer des éléphanteaux dans la jungle, de préférence des femelles. Des bébés car les adultes sont indomptables et des femelles car les mâles deviennent plus violents en grandissant. Séparé de sa mère (généralement tuée) l’éléphanteau subit de véritables séances de tortures physiques et mentales, l’humain alternant violences et récompenses (2) pour obtenir la soumission du petit. Une fois que son corps et son esprit sont brisés, il sera utilisé pour le travail par les populations locales (à noter que le cirque Rigling Bros, aux U.S.A,  fait subir cette forme de domptage à des éléphanteaux, dès leur naissance en captivité (3)).

Esclave du cirque Amar

C’est après que les petits soient « cassés » que les cirques viennent acheter, généralement par l’intermédiaire des dresseurs, de la chair à spectacle. On ne rappellera jamais assez que TOUS les éléphants des cirques français sont nés et ont été capturés dans la nature. C’est ainsi que l’esclave Java fut achetée par le cirque Amar dans les années 50 et emmenée par bateau dans la froide Europe pour subir un nouveau domptage (4). Puis suivre le cirque pour une vie de misère, à faire des numéros contre nature afin de divertir des humains.

Jusqu’à cette année 1964 à Béziers ou les éléphantes du cirque Amar furent prises de panique alors qu’elles rejoignaient la piste avec le dresseur allemand Wolfgang Holzmaïr. Elles tuèrent accidentellement un enfant. Louis Pradel, maire de Lyon, estimant qu’il serait injuste que les éléphantes soient abattues décida de les héberger à Lyon, cela lui permettra aussi d’enrichir le cheptel du zoo de la Tête d’Or car les éléphants font venir du public. Le 15 avril 1964 Bangkok, Maouzi et Java sont conduites à Lyon pour rejoindre le nouvel enclos construit afin d’héberger les arrivantes qui cohabiteront avec Mako, déjà présent au zoo.

Une vie d’ennui(s)

L’enclos des éléphants du zoo de la Tête d’Or est ridiculement petit, bien inférieur au normes actuelles (minimum 4 hectares). Il est sordide et vétuste et ne contient aucun enrichissement pour les éléphants ( tronc d’arbres, pneus etc..). En hiver, c’est pire, les éléphants, ne supportant pas le froid, ils sont confinés dans des hangars. Maouzi mourra le 26 février 1995 après être tombée dans la fosse qui entoure l’enclos. Inconsolable de la mort de Maouzi, Pankov mourra le 14 février 1998. Mako meurt la même année.

En 1999, le cirque Pinder confit au zoo deux éléphantes, Népal et Baby, car elles ne s’adaptent au cheptel du cirque . Et oui, il en va de même des éléphants et des humains, on ne peut les forcer à se lier d’amitié contre leur volonté. Java ne s’entendra pas plus avec les nouvelles arrivantes, il faudra la séparer des autres en permanence. Encore de la solitude pour cet animal grégaire (voir sur ces images, son affligeante apathie).

Une éléphante malade ?

Java stagnera donc ces nombreuses années dans son enclos minuscule, subissant le brouhaha constant du public, montrant des signes visibles de troubles du comportement. Des conditions de vie indignes pour ce puissant et magnifique animal. Jusqu’à l’année 2010 ou le virus de la tuberculose, transmissible à l’homme, est diagnostiqué à Népal et Baby. La direction du zoo affirme que Java refuse de se soumettre aux tests de dépistage, sous prétexte de son grand âge (et peut-être aussi parce qu’avoir la plus vieille éléphant d’Europe est une bonne pub) on laisse Java tranquille. Mais l’euthanasie est envisagée pour Népal et Baby, la direction du cirque Pinder et les associations de défense des animaux s’indignent et refusent. Devant la polémique la mairie de Lyon fait machine arrière. L’enclos des pachydermes est circonscrit début 2011, empêchant les nombreux visiteurs de s’approcher. Pour l’heure, il s’agit de pratiquer des analyses sur le cadavre de Java par l’Ecole vétérinaire Vetagro de Marcy-l’étoile (Rhône), avant d’envisager l’équarrissage. Selon Le Progrès, les premières observations sur le corps de Java ont révélé des lésions qui pourraient être liées à la tuberculose.

Quel futur pour Népal et Baby ?

Après autopsie, Java sera enfin libérée des hommes, pour toujours. Mais il faut penser à Népal et Baby car même si elles sont plus en paix en étant éloignées du public, elles sont toujours condamnées à vivre dans un enclos indigne (voir l’enclos), sans traitement contre la tuberculose car le directeur du zoo, David Gomis, a décidé de ne pas les soigner (5) . Il faut se mobiliser pour que Népal et Baby soient mises dans un sanctuaire et soignées pour vivre dans de meilleures conditions les nombreuses années qu’ils leurs restent. Même en temps de crise, les français, qui ont eu du plaisir à voir Baby et Népal dans des numéros de cirque ou en venant les voir au zoo, leurs doivent bien ça. On a volé leurs vraies vies pour ce plaisir !

Sources :

http://www.elephant.se/
Photos sur le dressage des éléphanteaux en Asie
Vidéo du dressage des éléphanteaux au cirque Ringling
Dressage des éléphants
http://www.leprogres.fr/sante/2011/02/14/ethiquement-on-ne-doit-pas-les-traiter-meme-si-c-est-difficile-a-entendre

Publié le: 
17/08/2012