Quand les perroquets font du vélo : la réalité derrière le show

Privations et jambe de bois… Le quotidien des perroquets utilisés dans des spectacles par certains zoos ressemble à un calvaire : isolés des leurs, condamnés à ne plus voler, ils sont contraints de se livrer à des numéros aux antipodes de leur nature.
Un perroquet à vélo, au zoo d'Upie

Le 15 septembre sur France Bleu, le directeur du zoo de La Flèche (Sarthe) annonçait sa détermination à réintroduire des bonobos au Congo. Une prise de position difficilement contestable en théorie, mais une imposture en réalité. Car, en creusant bien, force est de constater que les zoos sont prêts à tout pour attirer le public, quitte à ce que leurs actions contredisent leurs discours.

Espèce vulnérable ou marionnette ?

Le sort des perroquets dans les zoos qui les donnent en spectacle en fournit un exemple de plus. Espèce endémique d’Amérique du Sud, habitant dans les forêts tropicales, les aras bleus et les aras chloroptères sont des perroquets vivant principalement en groupe le long des rivières et des fleuves. Ce sont des espèces vulnérables, qui ont totalement disparu du Sud-Est du Brésil à cause de la destruction de leur milieu et de leur commercialisation, lancée pour satisfaire le plaisir ornemental des particuliers.

Les zoos de la Palmyre (Charente-Maritime), de La Flèche, d’Amnéville (Moselle), du PAL (Allier), d’Upie (Drôme) et le Parc des perroquets (Drôme) proposent des spectacles de perroquets pour attirer les badauds. Ces établissements qui affichent fièrement leur affiliation à des programmes de conservation « in situ » n’hésitent donc pas à utiliser l’animal comme une marionnette dès lors qu’il est « ex situ » (c’est-à-dire hors de son site). Prélever quelques centimes d’euros sur un ticket d’entrée pour aider des associations locales et, du même coup, se donner une image positive apparaît comme une démarche gagnante. Et qui engage peu, puisque c’est le public qui paie et les associations locales qui agissent. Un public qui n’a plus besoin de se soucier de savoir si les spectacles et la captivité elle-même posent problème : il donne quitus aux zoos, apparemment si généreux.

La pédagogie en action

Le zoo de La Flèche justifie ses spectacles par « l’incorporation d’un message de conservation fort dans tous les supports pédagogiques du zoo ». Des mots qui supplantent les actes : derrière un discours ludique, sur fond de musique brésilienne, la vie de ces oiseaux n’est que privations. Privation de liberté, privation de leur milieu, privation de leur vie grégaire, impossibilité de s’envoler… Au-delà de cet inventaire, les zoos flirtent même avec l’esclavage, c’est-à-dire avec « ce régime qui prive de toute liberté et contraint à exercer les fonctions (économiques) les plus pénibles sans autre contrepartie que le logement et la nourriture » (Larousse).

Concrètement, les exercices auxquels sont astreints les oiseaux tiennent principalement à des problèmes de logique et d’équilibre. Ainsi, on peut voir des aras descendre des toboggans, conduire des voiturettes, faire du vélo ou du patin. L’apport pédagogique servi comme justification de l’injustifiable consiste à démontrer que la queue du ara fait fonction de balancier…

Une souffrance bien réelle

Les zoos ont davantage intérêt à mettre en avant ce qui reste à l’animal que ce qu’on lui a pris. Ainsi, il sera difficile pour les animateurs de ces « spectacles » de montrer que les ailes servent à voler : les aras sont pour la plupart éjointés, c’est-à-dire amputés du bout de leurs ailes et donc privés à vie de la possibilité de voler. Les présenter sur des fauteuils roulants serait au final plus honnête et tout autant de mauvais goût que de les exhiber en équilibre dans des positions humaines.

Le public comprendra sans doute un jour que les zoos ne sont pas « virtuels », que la souffrance qu’ils impliquent chez des animaux devenus objets est bien réelle. Les animaux ne sont pas des automates, mais bien des êtres sensibles, privés de la nature qui est la leur. N’oublions pas non plus que les trafics d’espèces sauvages, les prélèvements dans la nature, sont intimement liés au commerce des zoos.

Le public ne peut, d’un côté, s’émouvoir du sort de Blu, ara capturé dans le film Rio et, de l’autre, se distraire de ces spectacles commerciaux qui utilisent ces mêmes bêtes privées de leur « amazone ». La lutte contre cette commercialisation du vivant commence par le refus de cautionner cette dénaturation et cette chosification qu’opèrent les zoos.

F.S.

 

Publié le: 
17/09/2015